Amélie François, “Mise en avant de diverses subjectivités et sexualités sur Instagram. Le cyber-artivisme de Stephanie Sarley et d’Arvida Byström.”

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Résumé

Dans sa série photographique et vidéographique Fruit Art, débutée en 2015, la jeune artiste cyberactiviste américaine Stephanie Sarley (née en 1988) met en scène l’automasturbation de manière ambiguë, en utilisant fruits et légumes comme analogies aux sexes. Elle reprend et détourne, dans ces saynètes, une esthétique pornographique constituée de corps morcelés et dénués de visagéité. Ses mains manipulent les aliments avec réalisme et viennent simuler des sexualités variées, allant de pratiques dites « conventionnelles », à des pratiques souvent marginalisées, telles que le BDSM.

Bien qu’initialement vouée à représenter une autosexualité féminine, elle brouille également les frontières préétablies entre les genres de manière fréquente, par l’usage de fruits ou légumes formellement multisexués, ou encore par l’usage, de plus en plus récurrent, d’aliments phalliques. Arvida Byström (1991), artiste cyber-activiste d’origine suédoise, queer, pansexuelle et adepte du polyamour, met également en scène des analogies fruitières dans un univers visuel que l’on pourrait qualifier de girly, provoquant à nouveau une interrogation sur les genres. L’ouvrage Pics or it didn’t happen. Images banned of Instagram, coécrit avec Molly Soda en 2017, apparaît comme un hommage visant à redonner une visibilité, une survivance, à une sélection de deux cent cinquante images supprimées par la plateforme pour des raisons plus ou moins acceptables – interrogeant la sévérité des conditions d’utilisation et la censure acharnée qu’elles entraînent, qui tabouise les corps et marginalise tout·e identité, sexualité ou physique sortant des normes préétablies. À travers ces deux études de cas, cette intervention questionnera les liens entre communautés LGBTQI, pratiques BDSM, féminisme pro-sexe, métapornographie et cyberactivisme.

Nous aborderons plus précisément les questions suivantes : les imageries développées par ces artistes, notamment les ouvertures sur des pratiques marginalisées et le brouillage systématique des genres qu’elles proposent, peuvent-elles servir la cause LGBTQI ? Concernant les méthodes de diffusion choisies, quelle importance revêtent des plateformes telles qu’Instagram dans leur activisme et comment composer avec les limites qu’elles imposent à travers la censure ? Nous questionnerons également l’importance de la rhétorique, qui semble primordiale dans le cadre d’un cyber-activisme par les images sur des plateformes extrêmement populaires. Ces problématiques seront abordées par le biais d’une analyse des imageries, des réactions qu’elles suscitent et par l’analyse des discours tenus par ces artistes.

Abstract
Showcasing diverse subjectivities and sexualities on Instagram. Stephanie Sarley and Arvida Byström’s cyber-artivism.”

Since 2015, using fruits and vegetables to represent genitals, the young American artist and cyber-activist Stephanie Sarley (born in 1988) ambiguously depicts self-masturbation in a series of photos and videos entitled Fruit Art. Within the short scenes she captures, she creates a pornographic aesthetic made of fragmented, faceless bodies. Her own hands realistically manipulate the food and simulate a variety of sexualities, from “conventional” practices, to more marginalised ones, such as BDSM.

Though initially dedicated to depict female autosexuality, she frequently blurs the boundaries between gender, using formally multisexed fruits and vegetables, or, more and more recurring, phallic foodstuffs.

Arvida Byström (born 1991), a queer, pansexual and polyamourous Swedish artist and cyber-activist, also pictures fruit analogies in a visual atmosphere that I would term “girly”. Thereby, she provokes new interrogations on gender. In 2017, she co-wrote Pics or it didn’t happen: Images banned of Instagram with Molly Soda. The book offers a new visibility and survivorship to a selection of 250 images, deleted by the platform for more or less understandable reasons. The authors thereby question the severity of Instagram terms of use, the platform’s censors, as well as the body taboo, all marginalising each non-normative identity, sexuality and embodiment.

Drawing on these two case studies, my paper questions the links between LGBTQI communities, BDSM practices, pro-sex feminism, metapornography and cyber-activism. I address, more specifically, the following questions: how do these artists’ pictures, showcasing marginalised practices and blurring boundaries between genders, may support LGBTQI causes? Speaking of means of dissemination: how relevant are platforms, such as Instagram, for such activism? And how may artists deal with their limits and censorship? Finally, I also question the prevalence of rhetoric, which seems primordial in a picture-based cyber-activism. To answer these questions, I analyse both the images, the reactions they raised, and the discourse of the artists.

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Amélie François

Amélie François est doctorante en arts plastiques à l’université de Lille, au CEAC (Centre d’Étude des Arts Contemporains), sous la direction d’Anne Creissels. Ses recherches portent sur la sexualisation virtuelle des corps dans les pratiques artistiques contemporaines se situant à la frontière de l’activisme.